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L’inventaire
de Weise Mené
entre octobre 1914 et
décembre 1915, cet inventaire, qui aurait
été déposé à la
Bibliothèque
de Strasbourg, est l'occasion de 2 000 prises de vues,
« le plus
souvent des églises, intéressantes du point de
vue de l'histoire de
l'art, dont il s'agissait de garder des traces avant leur destruction
quasiment programmée comme celles des alentours du Chemin
des Dames.
L'inventorisation de ce patrimoine était menée
comme en Belgique dans
un but scientifique et destinée à
compléter les
ouvrages français,
jugés incomplets et manquant de rigueur scientifique.
Mais par rapport
à la Belgique, la fonction conservatrice des prises de vue,
par la
fixation de l'état du bâtiment prend ici un
rôle plus important. Car la
perspective d'une destruction ou d'une dégradation, plus que
probable
dans ce secteur particulièrement exposé, modifia
le caractère du
document photographique : d'une simple reproduction de la
réalité, elle
prit le rôle d'unique témoin d'un état
antérieur appartenant, dans un
avenir proche, au passé. La guerre apparaît ici
comme accélérateur d'un
processus de dégradation, qui, sans elle, se serait
étalé sur plusieurs
décennies voire plusieurs siècles.
»
Dit autrement, la France ne s'intéresse pas à son
patrimoine.
Le journal Norddeutsche Allgemeine Zeitung du 20 janvier 1917 publie un article intitulé « Inventaire des monuments de l'Aisne par un officier allemand » / « Denkmälerinventarisation des Aisnedepartements durch einen deutschen Offizier », qui est probalement celui de Weise. L'inventaire de Weise est régulièrement mentionné par les historiens de l'art allemands. L'ouvrage de Demmler de 1919 (voir ci-dessous) cite un rapport manuscrit de 8 pages de Weise énumérant les oeuvres les plus précieuses du secteur, parmi les documents de Demmler concernant la 7e armée (SMB-PK/ZA. NL Demmler, n° 2), Clemen mentionne également Weise en 1919, « Baudenkmäler auf dem französischen Kriegsschauplatz », pp. 36-74, ici p. 70, Dresslers en 1930, Metzler en 1999, pp. 461-464.
Les fouilles du château de Charlemagne Weise entreprend en 1916 à Quierzy des fouilles archéologiques de ce qu’il pense être le « palais des rois mérovingiens et carolingiens ». Les premiers résultats de ces fouilles sont publiés dès 1916 : « Quierzy an der Oise, die Pfalz der merowingischen und karolingischen Könige », Goerg Weise, Brussel, 1916, le résultat complet sera publiée en 1923. Weise milite en effet pour le développement des interactions entre l’histoire de l’art et à l’histoire politique, mais aussi à l’histoire des empires franc et allemand. Sa thèse soutenue en 1911 portait sur la royauté et l'élection des évêques dans les empires francs et allemands, « Königtum und Bischofswahl im frankischen und deutschen Reich vor den Investiturstreit » (ce qui vaudra à Weise quelques ennuis avec le pouvoir nazi, qui cherchera à gommer cette histoire commune). L'étude des vestiges des civilisations mérovingienne et carolingienne et notamment des châteaux royaux des francs est également la mission de l'Association allemande pour la science de l'art, « Deutscher Verein für Kunstwissenschaft », que cite Weise dans son rapport de 1923 « Zwei fränkische Königspfalzen. Bericht über die an den Pfalzen zu Quierzy und Samoussy vorgenommenen Grabungen », tout en relevant qu'aucun des châteaux situés sur le sol allemand (Aix-la-Chapelle et Ingelheim) ne sont antérieur à l'époque carolingienne. Weise indique également en première page de ce rapport, que le nord-est de la France lui semble être le centre du royaume mérovingien, où les éléments de la culture germanique se sont mélangés aux vestiges de la civilisation antique. Weise s'intéresse ainsi aux sites de Quierzy et Samoussy. Selon Weise, le palatium de Quierzy était connu par l'historiographie française en tant que lieu de naissance de Charlemagne, mais aucune véritable recherche, aucune fouille n'avait été menée jusqu'alors afin d'en apporter des preuves non seulement écrites, mais aussi archéologiques. Nous retrouvons ici le thème du manque d'intérêt pour leur histoire que les Allemands reprochent aux Français. Weise explique que cette lacune serait due à l’image de la culture mérovingienne en France marquée par « le livre stupide » / « das törichte Buch » (p.4 du rapport de 1923) de Martin-Marville, Essai sur les châteaux royaux, villas royales ou palais du fisc des rois mérovingiens et carolingiens (Amiens 1873), qui présente les mérovingiens comme un peuple de barbares, vivant dans les marécages dans des maisons en bois, d'où l'inutilité de fouilles. |
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![]() Plan de la villa mérovingienne du prieuré ![]() Plan général des fouilles de 1916 de la Capelette |
Le Prieuré puis la
Capelette
Weise s'intéresse d'abord, en mai 1916, au site du Prieuré puis après la moisson, début août, au site de La Capelette ou ses travaux sont interrompues par les innondations à la fin de l'automne et cessent définitivement en février 1917 ... Sur le site du Prieuré, près de l'église, fouillé rapidement, Weise trouve des morceaux de poterie et de céramique et découvre les restes d'une villa de l'époque romaine tardive ou mérovingienne. Ces morceaux de poterie et de céramique sont expédiés en Allemagne afin d'y être examinée. L’autorité militaire interdira en 1918 l’envoi en Allemagne d'objets en provenance de fouilles. Mais c'est sur le site de « La Capelette » que Weise pense découvrir en août 1916 les traces d'un château royal, dont le type appartiendrait à une période précoce de la construction des palatiums. Sur cette colline plate, où des fouilles françaises ont déjà permis d'identifier les "fondations d'une ancienne église construite sur les ruines d'un ancien château mérovingien" comme l'indique le Bulletin Archéologique de Soissons, 1868, Weise trouve à son tour le sol jonché de gravats puis des fondation de 3,50 mètres de large et 1,20 mètre de haut à 1,60 mètre sous la surface du sol, déjà fouillé dans le passé, comme il le relève lui-même. Weise détermine le contour d'un important site qu'il interprète comme étant les vestiges du palais royal carolingien occupant une zone ovale s'étendant d'ouest en est et mesurant 120 mètres sur 80, entourée d'un anneau mural, avec une seule ouverture au sud-ouest. Weise identifie à l'intérieur de l'ovale : - à l'est un
bâtiment rectangulaire, fortement
structuré de 30 mètres sur 40 et avec une sorte
de patio, considéré comme un
bâtiment d'habitation,
- au nord un bâtiment dans lequel Weise voit une salle royale de 50 mètres de long, également ovale sur trois côtés et face à l'Oise une façade droite d'environ 40 mètres de long connectée au côté nord de la maison, - au sud une cour intérieure avec dépendances suivant le portail de six mètres de large, flanqué de deux tours. Aucune pièces à caractère sacré n'est trouvée, laissant supposer l'existence de bâtiments religieux à proximité. |
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Pour Weise, le château royal de Quierzy n'est pas sans rappeler ceux d'Aix-la-Chapelle et d'Ingelheim, tandis que celui de Samoussy fouillé à partir du printemps 1917, également inexploité par les Français, relèverait d'une période plus récente. Les mouvements du front entraînés par le repli des forces allemandes sur la ligne Hindenburg en mars 1917 empêchent la poursuite des recherches à Quierzy. Samoussy, situé au nord-est de Laon n'est pas repris par les Français. Weise peut néanmoins présenter les avantages pour la science historique allemande de la poursuite des recherches qu'il a entamées, avec pour objectif de déterminer l'imbrication des cultures romaine et franque dont le mélange aurait été à l'origine de la culture du Moyen Âge. Quelles étaient les limites géographiques et culturelles entre culture latine et culture germanique, quel fut l'apport de chacune à une culture locale faite de métissage ? A l'été 1917, Weise est nommé conseiller du patrimoine artistique de la 7e armée. Il ne retourne semble-t-il pas à Quierzy transformé en champ de bataille au printemps 1918. Weise se consacrera à partir de 1920 à la documentation de l'architecture et de la sculpture médiévales en Allemagne, en France, en Espagne et en Suisse, qu'il capture dans environ 7 000 photographies. Le travail en Espagne en particulier est d'une valeur inestimable aujourd'hui, car de nombreuses œuvres d'art qu'il a photographié ont été détruites quelques années plus tard pendant la guerre civile espagnole. Ces photographies sont conservée par le Centre de documentation allemand sur l'histoire de l'art de l'Université de Marburg, dans les archives Georg Weise de l'Institut d'histoire de l'art de l' Université Eberhard Karls de Tübingen qui fait aujourd'hui partie de la collection du Musée de l'Université de Tübingen MUT.
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